• “Je ne comprends pas ce que vous avez toutes avec Dita von Teese.” C'est un ami passionné plus ou moins par le milieu burlesque qui amène à plusieurs reprises ce sujet sur le tapis. “Elle est complètement artificielle, elle n'a rien inventé, & puis s'être fait refaire les seins sans nécessité, comme toutes les pouffes américaines... !” & au fond oui, qu'est-ce qu'on a toutes avec elle ? Qu'est-ce que j'ai avec elle, moi ?...

    “Tu sais, je crois que tu n'imagines pas ce que c'était d'être une fille de treize ans & de se sentir en décalage complet avec tout. Une extraterrestre.” Dita von Teese est arrivée dans ma vie à ce moment-là, à cette époque d'extrême solitude. Cette époque où mes seuls amis provenaient d'Internet, & habitaient à des centaines de kilomètres de chez moi. Cette époque de mal-être physique : trop petite, trop ronde, pas assez jolie. De mal-être mental : trop intello mais avec des intérêts bizarres (& d'autres réprimés car “trop futiles”...), trop dark mais pas assez pour être vraiment gothique. Les films en noir et blanc, déjà : je fréquentais assidûment la Cinémathèque. Un mélange de macabre, d'esthétique rétro, de sexe teinté de fétichisme, de paillettes et de décadence. Je mettais du vernis rouge sombre mais je n'osais pas le rouge à lèvres. J'économisais pour m'acheter de la lingerie H&M, & mon premier ensemble, plus pour me faire plaisir que pour le porter,  était en satin noir à motifs “fleurs de cerisier” ton sur ton, avec un soutien-gorge bien couvrant (ce qu'on trouvait d'un peu rétro à l'époque) mais un string – j'aimais le contraste.

    La découverte de Dita a été une fulgurance. Voilà quelqu'un qui cristallisait soudain tout ce qui me parlait, ou presque. & qui était la preuve vivante qu'on pouvait se transformer pour devenir son propre fantasme. Don't dream it, be it. Quelqu'un qui, par une dévotion esthétique sans faille,  accomplissait chaque jour ce petit miracle : transmuer l'ordinaire en extraordinaire. L'eau en champagne, ou en absinthe.

    Alors d'accord, elle n'a rien inventé. Mais elle m'a fait découvrir tant de choses, à commencer par le burlesque & l'histoire de la mode, que je ne trouve pas ça très grave. Elle a été sans conteste une clef pour moi, celle qui ouvre la porte d'un univers culturel mais aussi intérieur, en m'incitant par sa seule existence à explorer mes propres fantasmes (au sens très large), à creuser plus profond. & d'accord, avouons le, elle n'est presque qu'artifices. Mais justement : c'est cette auto-création qui me fascine. Cette sculpture où c'est soi-même que l'on prend comme matière première. Cette vie conçue, pour reprendre Wilde, comme une oeuvre d'art. L'oeuvre en question est-elle belle ou non ? Peu importe au fond, ce qui compte c'est la démarche.
    Aujourd'hui, je ne suis toujours son actualité & je parcours Internet à la recherche de photos d'elle, quasiment tous les jours. Elle conservera toujours, je pense, un statut particulier à mes yeux, & régulièrement je me demande : “What would Dita do ?” Ce qui explique peut-être pourquoi aux dernières soldes j'ai acheté de la lingerie & une petite robe tigrée, mais que je n'ai toujours pas remplacé mes Converse depuis six mois ...


    votre commentaire
  • Et rappelle-toi donc, Aimé, nos corps à corps à ces heures perdues, tandis que l'accroc au creux de nos chairs s'emballe.

    Accros, à-corps, l'un et l'autre, l'un de l'autre, à s'entailler en désaccord, et se déchirer en détail, écœurés, découpés à tort, dans le décor de nos époques.

    Ainsi enserrés,

    empêtrés,

    enterre-moi à se dévorer, à se décorer par tes lèvres, toujours, encore.

    En corps ?

    Ô mon Cœur, le corps à corps, mais surtout nos coudes à coudes, à rejouer nos accords plus que nos écarts, et dénuder une dernière fois dans notre passion cette escorte distordue, cachée dans nos escarres. Car à quoi bon ce « Nous » sans la discorde, cette fusion retard et retord ?

    Ainsi donnons-nous Vie, donnons corps aux sentiments, à ne pas faire mentir les ressentis, et à les accorder, car l'esprit sain dans un corset est bien davantage que l'amour, le corps sait.

    De nos jours, mon corps ne t'aime plus, car à apprendre le « désàcorps », fatalement l'on se détache, l'on se délasse car lascivement viendra l'amort, la Mort si ce n'est l'amour.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique